Les Jacobins 1789-1799
Centralisation révolutionnaire et radicalisation du projet égalitaire
Illustration : club des jacobins, rue Neuve-Saint-Honoré, Paris, 1789
Un club devenu moteur de la République
L’été 1789 voit naître dans l’ancien couvent des jacobins de la rue Saint-Honoré une forme inédite de sociabilité politique qui marquera profondément l’histoire de France. Des députés bretons y fondent la société des amis de la constitution avec l’objectif initial de garantir la cohésion parlementaire autour d’une monarchie réformée. Le lieu s’autonomise rapidement, se dote d’un règlement, publie des procès-verbaux et développe un réseau de correspondances qui compte déjà plusieurs centaines de clubs affiliés en 1791. Cette diffusion transforme un simple cénacle parlementaire en un véritable organe de mobilisation civique à l’échelle nationale, sans précédent dans l’histoire du royaume.
Dès les premiers discours, des figures émergent et dessinent l’identité jacobine. Marat dénonce dans L’ami du peuple les intrigues de cour et les trahisons ministérielles. Robespierre, encore modeste à l’époque, défend l’universalité des principes de 1789 et réclame le suffrage pour tous les citoyens, y compris les plus pauvres, en portant une attention constante à l’incorruptibilité des mandataires. La vertu civique, entendue comme fidélité absolue au bien commun, devient très tôt le socle de cette pensée politique naissante. La fuite du roi, la pression populaire et la guerre déclarée au printemps 1792 accélèrent la radicalisation et font du club le centre nerveux de l’opposition républicaine.
Le gouvernement de salut public
La chute de la monarchie en août 1792 ouvre une période décisive où s’affrontent à la convention deux visions de la république. Les girondins veulent limiter l’influence parisienne par un libéralisme décentralisateur. Les montagnards, nombreux parmi les jacobins, affirment l’indivisibilité de la république et la prééminence de la volonté populaire dans un contexte de guerre totale. Robespierre développe une conception morale de la politique où la souveraineté ne se limite pas à un principe juridique mais s’exprime dans la vigilance permanente des citoyens. Saint-Just, plus austère, affirme que la liberté ne peut être garantie que par l’application ferme de lois égalitaires et par la pureté du législateur face à toute forme de corruption.
L’automne 1793 inaugure une phase de concentration du pouvoir sans précédent. Le comité de salut public devient l’instrument principal du gouvernement révolutionnaire tandis que le comité de sûreté générale organise la surveillance et les arrestations dans tout le pays. Les mesures adoptées dessinent alors le programme jacobin au pouvoir avec le maximum général qui encadre prix et salaires, la levée en masse qui mobilise tous les citoyens dans un effort militaire total, et les lois sur les suspects qui autorisent l’arrestation des opposants présumés. Cette centralisation permet de contenir les soulèvements fédéralistes et de redresser la situation militaire, mais elle s’accompagne d’une violence d’état qui marque durablement les mémoires.
Un héritage conflictuel
Le 9 thermidor an II met brutalement fin au pouvoir jacobin. La victoire militaire rend moins convaincante l’union de la vertu et de la force. Le club des jacobins est fermé quelques mois plus tard et la répression thermidorienne efface progressivement les structures du gouvernement révolutionnaire. Le jacobinisme devient synonyme d’excès révolutionnaire sous le directoire, mais son empreinte demeure profonde dans la culture politique française à travers la centralisation administrative, la primauté du législateur et la notion de souveraineté populaire indivisible.
L’héritage reste cependant profondément conflictuel. Les libéraux du XIXe siècle y voient une matrice du despotisme moderne. Les républicains radicaux réhabilitent la tradition démocratique de 1793. Le mouvement continue d’alimenter les questions essentielles de la vie démocratique sur l’articulation entre liberté et égalité, entre participation populaire et efficacité gouvernementale, entre défense de la souveraineté et limitation du pouvoir.
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